La citation,
relevée sur le site de “Génération Libérale”,
prend tout son sens dans une conjoncture où l’Etat
annonce des suppressions ou des réductions importantes de
subventions aux associations. La question qui reste en suspens est
de savoir si cette situation est liée à une conjoncture
économique “ difficile ” (déficit public)
ou si, derrière, les motivations sont davantage d’ordre
politiques.
“Génération
Libérale” se décrit comme un mouvement “destiné
à rassembler et à aider les libéraux qui veulent
mener une action civique en vue de préparer et de réaliser
l’alternative libérale.”
Certes “Génération
Libérale” n’est pas un parti et n’intervient
pas dans les choix budgétaires de l’Etat... Cette structure
serait plutôt une sorte de “Think Tank” tendance
Madelin. Ceci n’est sans doute pas neutre dès lors
que l’on tente de faire le rapport entre les uns et les autres.
Madelin, c’est aussi Démocratie Libérale, un
mouvement dont est issu Jean Pierre Raffarin, ex-premier ministre
et architecte de nombreuses orientations politiques depuis quelques
années. Entre les positions exprimées par “Génération
Libérale” et les politiques mises en œuvre par
le gouvernement Raffarin, il existe un lien de cause à effet
qui n’est pas neutre.
Ce n’est
un secret pour personne, Monsieur Raffarin était aussi particulièrement
a l’écoute des positions exprimées par le MEDEF.
Une grande partie de sa politique était calquée sur
une approche résolument néolibérale. Si les
syndicats resteront toujours des ennemis historiques, certaines
associations sont désormais concernées aussi.
Le discours
du MEDEF est certes moins virulent que celui de Génération
Libérale, mais tout aussi intransigeant.
Ombre
du néolibéralisme...
Le MEDEF insiste
moins sur les dimensions politiques pures et simples (que l’on
découvre chez “Génération Libérale”)
mais s’appuie davantage sur la logique du marché “libre
et non faussé”. Il considère désormais
que les associations occupent une part de ce marché qui devrait
être accessible à tous (donc aux entreprises)... mais
que la concurrence est désormais déloyale considérant
les fonds publics que perçoivent les structures associatives.
“
La concurrence, élément consubstantiel de l’économie
de marché, est un facteur majeur de croissance, ce qui suppose
qu’elle soit égale entre l’ensemble des acteurs
du marché. Or, à côté des entreprises
privées, interviennent des entreprises publiques, des Administrations
centrales ou décentralisées, des collectivités
territoriales, des structures dites “sociales” : associations,
coopératives, mutuelles ”.
...
“ Enfin, les entreprises de l’économie dite “sociale”
qui ont toujours bénéficié de la faveur des
pouvoirs publics (avantages fiscaux, sociaux et autres), viennent
aujourd’hui concurrencer les entreprises du secteur marchand,
tout en continuant à jouir d’un certain nombre de privilèges
”. [1]
En d’autres
termes, les associations seraient des concurrents déloyaux
et des freins à la croissance. Nous nous situons désormais
dans un cadre de réflexion que nous trouvons dans les textes
de l’AGCS (Accord Général sur le commerce et
les services / OMC) ou encore la fameuse directive Bolkestein. Le
débat actuel paraît alors moins lié à
une conjoncture économique “difficile” qu’à
une véritable volonté politique de limiter le champ
d’action des associations et d’en affaiblir leur influence
dans le sphère de la société civile. A ceci
s’ajoute une volonté du patronat de s’approprier
des “parts de marché” non négligeables.
Lors du centenaire
de la loi 1901, on dénombrait environs 880 000 associations
(à l’heure actuelle, la barre du million a été
dépassée) avec 20 millions d’adhérants.
150 000 de ces associations emploient 1.65 millions de salariés.
Pendant les
dix dernières années, c’est dans le secteur
associatif qu’il y a eu le plus de créations d’emplois
(Les associations intermédiaires, à elles seules,
font accéder à l’emploi chaque année
200 000 personnes). Le “chiffre d’affaire” qui
en découle est impressionnant et devient sujet à convoitise
: 47 milliards d’euros... Il y a de quoi faire rêver
plus d’une entreprise, surtout lorsqu’on considère
que 53.7% des recettes proviennent des fonds d’Etat (et c’est
justement sur ce dernier point que le bat blesse).
La
relation ambiguë entre pouvoirs publics et associations.
Rare sont les
hommes politiques qui, à l’exemple de Génération
Libérale, s’aventurent à jeter -publiquement-
le discrédit sur les acteurs de la vie associative. Au contraire,
toutes les occasions sont bonnes pour affirmer un soutien sans faille
au développement de ce secteur. Ainsi, lors des célébrations
du centenaire de la vie associative, M. Chirac a déclaré
:
“Plus
encore qu’une liberté, l’association est une
réalité qui a puissamment contribué à
façonner la société française tout au
long de ce siècle, à y renforcer la tolérance,
la solidarité, l’innovation.
Une réalité qui s’affirme aujourd’hui
à travers plus de 800 000 associations et vingt millions
d’adhérents reflétant, dans toute leur diversité,
l’engagement des Français, leur sens de l’action
collective, leur souci de solidarité comme d’ailleurs
leur volonté d’épanouissement personnel.”
Pourtant, suite
aux élections de 2002, les relations si cordiales entre les
pouvoirs publics et les associations vont se dégrader progressivement...
mais sûrement.
La première
mesure a été celle qui consistait à abolir
le dispositif “emplois-jeunes”. Si, à l’époque,
l’opinion publique était interpellée par les
effets néfastes de cette mesure dans l’éducation
nationale (surveillants, aide-éducateurs, accompagnement
scolaire...), il faut rappeler que les associations bénéficiaient
d’environs 20 000 postes. Avec la disparition de ces derniers,
c’est un “manque à gagner” d’environs
320 millions d’euros.
Les élections
de 2002 ont été suivies de ce que l’on nomme
le “gel républicain”... Il s’agit d’une
période de transition où la machine administrative,
soumise à de nombreux changements, ne fonctionnait que partiellement.
Les subventions prenaient des retards importants ou arrivaient au
compte goutte. Déjà, à cette occasion, bon
nombre d’associations ont du faire face à des difficultés
de trésorerie considérables.
Lorsque l’Etat
n’honore pas ses engagements ou les délais convenus,
les créanciers ne sommeillent pas pour autant. Les charges
sociales non payés entraînent d’emblée
des majorations de retard. Lorsque le retard perdure, ce sont les
huissiers puis les commissaires priseurs qui entrent en jeu, ce
qui se traduit par des frais de justice.
De leur côté,
dans de telles circonstances, les banques (même les plus “solidaires”
d’entre eux) restent frileux et rechignent à accorder
des facilités de caisse, découverts ou avances. Lorsqu’elles
le font, les intérêts s’accumulent sensiblement.
Des “
incidents techniques ” aux choix budgétaires... Conjoncture
économique ou choix politique ?
C’est
alors l’époque des coupes budgétaires qui s’annonce.
La première victime fut le Fasild (Fonds d’Action et
de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les
Discriminations) avec une baisse substantielle des subventions accordées
au secteur social. Nombreuses étaient les associations, notamment
celles qui œuvrent dans les quartiers dites “difficiles”,
à en subir les conséquences. Ce n’est qu’après
d’intenses négociations que les dégâts
ont été limités.
Mais l’offensive
ne s’arrêtera pas là.
D’après
le discours officiel, la France est entrée dans une “une
logique de récession”. Le décollage économique
et la reprise de la croissance ne sont pas au rendez-vous. Il s’agit
alors de “faire des économies” et de maîtriser
les dépenses publiques. De nombreux ministères sont
touchés, à commencer par celui de la Ville, sans oublier
celui de la culture et même celui de la Jeunesse, de l’Education
Nationale et de la recherche. A partir de 2003, de nombreuses subventions
subissent des baisses qui peuvent aller jusqu’à 30%
voire plus.
Le FONJEP, fonds
destiné à contribuer à l’emploi associatif,
est concerné. Fin 2003, chaque poste couvert est amputé
de 150 euros. Des évaluations sont demandées et se
sont traduits quasi systématiquement par des suppressions
de postes (le terme exact est “gel”).
Enfin, le FNDVA
: Fonds National pour le Développement de la Vie Associative.
Outre le financement d’études et d’expérimentations,
ce fonds servait essentiellement à financer des formations
de bénévoles à la gestion associative, à
la conduite de projets ou encore autour de thématiques considérées
comme essentielles dans le cadre du projet associatif.
Le projet de
loi sur les finances 2004 envisageait la suppression pure et simple
de ce fonds (82M€) .
Il va sans dire
que la réaction des associations a été conséquente
et que la mobilisation des forces vives a permis de freiner, du
moins provisoirement, les coupes sombres et autres mesures contraignantes
préjudiciables aux associations. Il est même possible
de dire que l’année 2004 a été plutôt
calme. De nombreux poste FONJEP ont été “dégelés”
avec “effet rétroactif” sur l’année
et la suppression de la FNDVA s’est traduite par la création
du CDVA (Conseil pour le Développement de la Vie Associative),
doté d’un budget similaire (bien que le collège
associatif qui co-décidait des attributions avec les pouvoirs
publics ont été relégués au rang de
simples consultants).
L’embellie
était de courte durée.
Ce qui paraît
désormais aux yeux des associations comme une attaque en
règle s’intensifie en 2005. Le ministère de
la Jeunesse et des Sports annonce d’emblée (et sans
consultation préalable) la suppression des “conventions
triennales d’objectifs” qui le liait aux associations.
Les services de M. Lamour proposent néanmoins un lot de consolation
: la possibilité offerte aux associations de formuler une
demande pour l’année en cours. L’illusion ne
dura pas. Les subventions accordées aux différentes
structures seront en baisse de 30 à ... 100% !
Quant à
la CRDVA, elle suivra le même chemin. La loi de finances initiale,
votée par le Parlement, prévoyait, un montant de 7,02
millions d’euros pour 2005.
Cette somme
était déjà jugée insuffisante : En effet,
près de 19 millions d’euros de demandes ont été
faites au CDVA par environ 1300 associations pour plus de 4500 projets.
Entre temps, la somme votée par les “représentants
du peuple” a été amputée par le ministère
et ramenée à 4,285 millions d’euros dont 2,762
millions pour les formations de bénévoles. [2]
Les associations,
notamment ceux qui font parti du CNAJEP [3], se mobilisent et préviennent
que la situation qui se profile a toutes les chances de se solder
au mieux par des suppressions d’emploi et, au pire, par des
dépôts de bilan.
De l’autre
côté, l’Etat propose. Certes, les emplois jeunes
ont été supprimés... Mais il existe désormais
les contrats “nouvelle embauche”. Si les associations
désirent créer des emplois, les solutions existent.
Ce à
quoi les associations répondent que les contrats “nouvelle
embauche” concernent des jeunes sans qualification... Si de
l’autre côté, il devient nécessaire de
licencier les emplois qualifiés, comment envisager l’encadrement
de ces nouveaux venus ?
Situation bloquée,
dialogue de sourds... Ce que l’on appelle désormais
le “dialogue sociale”.
Il apparaît
désormais que cette situation est moins liée à
une conjoncture économique qu’à une volonté
de désengagement de l’Etat dans un processus qui s’inscrit
dans une logique résolument néo-libérale.
Une petite phrase
d’un haut responsable du Ministère des Affaires Etrangères,
expliquant clairement la volonté de désengagement
de l’Etat, est alors tout à fait révélatrice
:
“Nous
sortons des dispositifs de subventions pour entrer dans des dispositifs
de commande”.
C’est
la nouvelle donne à laquelle les associations devront se
soumettre... ou disparaître... selon une logique qui court
en ces moments troubles pour la vie associative et l’expression
citoyenne.
“
...L’intervention des associations a souvent précédé
celle de l’Etat et, aujourd’hui encore, elle permet
de prendre en compte des situations auxquelles les collectivités
publiques ne répondent qu’imparfaitement. ” (...)
“ En accompagnant le développement de la société
française depuis un siècle, les associations ont également
aidé les pouvoirs publics à mieux percevoir les domaines
dans lesquels ils devaient changer ou renforcer leurs actions. ”
Jacques
Chirac
Juillet 2001
[1] (L’ensemble
des éléments qui traduisent la position du MEDEF est
repris d’un rapport piloté par Bernard Augustin, ancien
président de la FG3E “ Les Nouvelles Règles
du Jeu ”, publié sur le site Internet du MEDEF.). Notez
que le mot social est toujours précédé du mot
“ dite ”... et que l’on découvre que les
champs d’intervention des associations (souvent historiques)
viennent concurrencer les entreprises du secteur marchand.. !..
[2]
Communiqué de la CPCA / Conférence Permanente des
coordinations associatives. 6 Octobre 2005.
[3]
Comité pour les Relations Nationales et Internationales des
Associations de Jeunesse et d’Education Populaire.
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