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HARO SUR LES ASSOCIATIONS !



“Le vrai danger, en France, est le niveau élevé des subventions publiques aux associations. (...) Toutes les associations de l’ultra-gauche, “culturelles”, anti-mondialisation”, “anti-racistes”, se moquent bien de la liberté associative entendue au sens individualiste. Pour elles, l’argent de l’Etat, dépensé via leurs associations, doit servir à atteindre l’objectif final : la politisation de toute chose et la destruction de la société civile.”

La citation, relevée sur le site de “Génération Libérale”, prend tout son sens dans une conjoncture où l’Etat annonce des suppressions ou des réductions importantes de subventions aux associations. La question qui reste en suspens est de savoir si cette situation est liée à une conjoncture économique “ difficile ” (déficit public) ou si, derrière, les motivations sont davantage d’ordre politiques.

“Génération Libérale” se décrit comme un mouvement “destiné à rassembler et à aider les libéraux qui veulent mener une action civique en vue de préparer et de réaliser l’alternative libérale.”

Certes “Génération Libérale” n’est pas un parti et n’intervient pas dans les choix budgétaires de l’Etat... Cette structure serait plutôt une sorte de “Think Tank” tendance Madelin. Ceci n’est sans doute pas neutre dès lors que l’on tente de faire le rapport entre les uns et les autres. Madelin, c’est aussi Démocratie Libérale, un mouvement dont est issu Jean Pierre Raffarin, ex-premier ministre et architecte de nombreuses orientations politiques depuis quelques années. Entre les positions exprimées par “Génération Libérale” et les politiques mises en œuvre par le gouvernement Raffarin, il existe un lien de cause à effet qui n’est pas neutre.

Ce n’est un secret pour personne, Monsieur Raffarin était aussi particulièrement a l’écoute des positions exprimées par le MEDEF. Une grande partie de sa politique était calquée sur une approche résolument néolibérale. Si les syndicats resteront toujours des ennemis historiques, certaines associations sont désormais concernées aussi.

Le discours du MEDEF est certes moins virulent que celui de Génération Libérale, mais tout aussi intransigeant.

Ombre du néolibéralisme...

Le MEDEF insiste moins sur les dimensions politiques pures et simples (que l’on découvre chez “Génération Libérale”) mais s’appuie davantage sur la logique du marché “libre et non faussé”. Il considère désormais que les associations occupent une part de ce marché qui devrait être accessible à tous (donc aux entreprises)... mais que la concurrence est désormais déloyale considérant les fonds publics que perçoivent les structures associatives.

“ La concurrence, élément consubstantiel de l’économie de marché, est un facteur majeur de croissance, ce qui suppose qu’elle soit égale entre l’ensemble des acteurs du marché. Or, à côté des entreprises privées, interviennent des entreprises publiques, des Administrations centrales ou décentralisées, des collectivités territoriales, des structures dites “sociales” : associations, coopératives, mutuelles ”.
...
“ Enfin, les entreprises de l’économie dite “sociale” qui ont toujours bénéficié de la faveur des pouvoirs publics (avantages fiscaux, sociaux et autres), viennent aujourd’hui concurrencer les entreprises du secteur marchand, tout en continuant à jouir d’un certain nombre de privilèges ”. [1]

En d’autres termes, les associations seraient des concurrents déloyaux et des freins à la croissance. Nous nous situons désormais dans un cadre de réflexion que nous trouvons dans les textes de l’AGCS (Accord Général sur le commerce et les services / OMC) ou encore la fameuse directive Bolkestein. Le débat actuel paraît alors moins lié à une conjoncture économique “difficile” qu’à une véritable volonté politique de limiter le champ d’action des associations et d’en affaiblir leur influence dans le sphère de la société civile. A ceci s’ajoute une volonté du patronat de s’approprier des “parts de marché” non négligeables.

Lors du centenaire de la loi 1901, on dénombrait environs 880 000 associations (à l’heure actuelle, la barre du million a été dépassée) avec 20 millions d’adhérants. 150 000 de ces associations emploient 1.65 millions de salariés.

Pendant les dix dernières années, c’est dans le secteur associatif qu’il y a eu le plus de créations d’emplois (Les associations intermédiaires, à elles seules, font accéder à l’emploi chaque année 200 000 personnes). Le “chiffre d’affaire” qui en découle est impressionnant et devient sujet à convoitise : 47 milliards d’euros... Il y a de quoi faire rêver plus d’une entreprise, surtout lorsqu’on considère que 53.7% des recettes proviennent des fonds d’Etat (et c’est justement sur ce dernier point que le bat blesse).

La relation ambiguë entre pouvoirs publics et associations.

Rare sont les hommes politiques qui, à l’exemple de Génération Libérale, s’aventurent à jeter -publiquement- le discrédit sur les acteurs de la vie associative. Au contraire, toutes les occasions sont bonnes pour affirmer un soutien sans faille au développement de ce secteur. Ainsi, lors des célébrations du centenaire de la vie associative, M. Chirac a déclaré :

“Plus encore qu’une liberté, l’association est une réalité qui a puissamment contribué à façonner la société française tout au long de ce siècle, à y renforcer la tolérance, la solidarité, l’innovation.
Une réalité qui s’affirme aujourd’hui à travers plus de 800 000 associations et vingt millions d’adhérents reflétant, dans toute leur diversité, l’engagement des Français, leur sens de l’action collective, leur souci de solidarité comme d’ailleurs leur volonté d’épanouissement personnel.”

Pourtant, suite aux élections de 2002, les relations si cordiales entre les pouvoirs publics et les associations vont se dégrader progressivement... mais sûrement.

La première mesure a été celle qui consistait à abolir le dispositif “emplois-jeunes”. Si, à l’époque, l’opinion publique était interpellée par les effets néfastes de cette mesure dans l’éducation nationale (surveillants, aide-éducateurs, accompagnement scolaire...), il faut rappeler que les associations bénéficiaient d’environs 20 000 postes. Avec la disparition de ces derniers, c’est un “manque à gagner” d’environs 320 millions d’euros.

Les élections de 2002 ont été suivies de ce que l’on nomme le “gel républicain”... Il s’agit d’une période de transition où la machine administrative, soumise à de nombreux changements, ne fonctionnait que partiellement. Les subventions prenaient des retards importants ou arrivaient au compte goutte. Déjà, à cette occasion, bon nombre d’associations ont du faire face à des difficultés de trésorerie considérables.

Lorsque l’Etat n’honore pas ses engagements ou les délais convenus, les créanciers ne sommeillent pas pour autant. Les charges sociales non payés entraînent d’emblée des majorations de retard. Lorsque le retard perdure, ce sont les huissiers puis les commissaires priseurs qui entrent en jeu, ce qui se traduit par des frais de justice.

De leur côté, dans de telles circonstances, les banques (même les plus “solidaires” d’entre eux) restent frileux et rechignent à accorder des facilités de caisse, découverts ou avances. Lorsqu’elles le font, les intérêts s’accumulent sensiblement.

Des “ incidents techniques ” aux choix budgétaires... Conjoncture économique ou choix politique ?

C’est alors l’époque des coupes budgétaires qui s’annonce. La première victime fut le Fasild (Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations) avec une baisse substantielle des subventions accordées au secteur social. Nombreuses étaient les associations, notamment celles qui œuvrent dans les quartiers dites “difficiles”, à en subir les conséquences. Ce n’est qu’après d’intenses négociations que les dégâts ont été limités.

Mais l’offensive ne s’arrêtera pas là.

D’après le discours officiel, la France est entrée dans une “une logique de récession”. Le décollage économique et la reprise de la croissance ne sont pas au rendez-vous. Il s’agit alors de “faire des économies” et de maîtriser les dépenses publiques. De nombreux ministères sont touchés, à commencer par celui de la Ville, sans oublier celui de la culture et même celui de la Jeunesse, de l’Education Nationale et de la recherche. A partir de 2003, de nombreuses subventions subissent des baisses qui peuvent aller jusqu’à 30% voire plus.

Le FONJEP, fonds destiné à contribuer à l’emploi associatif, est concerné. Fin 2003, chaque poste couvert est amputé de 150 euros. Des évaluations sont demandées et se sont traduits quasi systématiquement par des suppressions de postes (le terme exact est “gel”).

Enfin, le FNDVA : Fonds National pour le Développement de la Vie Associative. Outre le financement d’études et d’expérimentations, ce fonds servait essentiellement à financer des formations de bénévoles à la gestion associative, à la conduite de projets ou encore autour de thématiques considérées comme essentielles dans le cadre du projet associatif.

Le projet de loi sur les finances 2004 envisageait la suppression pure et simple de ce fonds (82M€) .

Il va sans dire que la réaction des associations a été conséquente et que la mobilisation des forces vives a permis de freiner, du moins provisoirement, les coupes sombres et autres mesures contraignantes préjudiciables aux associations. Il est même possible de dire que l’année 2004 a été plutôt calme. De nombreux poste FONJEP ont été “dégelés” avec “effet rétroactif” sur l’année et la suppression de la FNDVA s’est traduite par la création du CDVA (Conseil pour le Développement de la Vie Associative), doté d’un budget similaire (bien que le collège associatif qui co-décidait des attributions avec les pouvoirs publics ont été relégués au rang de simples consultants).

L’embellie était de courte durée.

Ce qui paraît désormais aux yeux des associations comme une attaque en règle s’intensifie en 2005. Le ministère de la Jeunesse et des Sports annonce d’emblée (et sans consultation préalable) la suppression des “conventions triennales d’objectifs” qui le liait aux associations. Les services de M. Lamour proposent néanmoins un lot de consolation : la possibilité offerte aux associations de formuler une demande pour l’année en cours. L’illusion ne dura pas. Les subventions accordées aux différentes structures seront en baisse de 30 à ... 100% !

Quant à la CRDVA, elle suivra le même chemin. La loi de finances initiale, votée par le Parlement, prévoyait, un montant de 7,02 millions d’euros pour 2005.

Cette somme était déjà jugée insuffisante : En effet, près de 19 millions d’euros de demandes ont été faites au CDVA par environ 1300 associations pour plus de 4500 projets. Entre temps, la somme votée par les “représentants du peuple” a été amputée par le ministère et ramenée à 4,285 millions d’euros dont 2,762 millions pour les formations de bénévoles. [2]

Les associations, notamment ceux qui font parti du CNAJEP [3], se mobilisent et préviennent que la situation qui se profile a toutes les chances de se solder au mieux par des suppressions d’emploi et, au pire, par des dépôts de bilan.

De l’autre côté, l’Etat propose. Certes, les emplois jeunes ont été supprimés... Mais il existe désormais les contrats “nouvelle embauche”. Si les associations désirent créer des emplois, les solutions existent.

Ce à quoi les associations répondent que les contrats “nouvelle embauche” concernent des jeunes sans qualification... Si de l’autre côté, il devient nécessaire de licencier les emplois qualifiés, comment envisager l’encadrement de ces nouveaux venus ?

Situation bloquée, dialogue de sourds... Ce que l’on appelle désormais le “dialogue sociale”.

Il apparaît désormais que cette situation est moins liée à une conjoncture économique qu’à une volonté de désengagement de l’Etat dans un processus qui s’inscrit dans une logique résolument néo-libérale.

Une petite phrase d’un haut responsable du Ministère des Affaires Etrangères, expliquant clairement la volonté de désengagement de l’Etat, est alors tout à fait révélatrice :

“Nous sortons des dispositifs de subventions pour entrer dans des dispositifs de commande”.

C’est la nouvelle donne à laquelle les associations devront se soumettre... ou disparaître... selon une logique qui court en ces moments troubles pour la vie associative et l’expression citoyenne.

“ ...L’intervention des associations a souvent précédé celle de l’Etat et, aujourd’hui encore, elle permet de prendre en compte des situations auxquelles les collectivités publiques ne répondent qu’imparfaitement. ” (...)
“ En accompagnant le développement de la société française depuis un siècle, les associations ont également aidé les pouvoirs publics à mieux percevoir les domaines dans lesquels ils devaient changer ou renforcer leurs actions. ”

Jacques Chirac
Juillet 2001

 

[1] (L’ensemble des éléments qui traduisent la position du MEDEF est repris d’un rapport piloté par Bernard Augustin, ancien président de la FG3E “ Les Nouvelles Règles du Jeu ”, publié sur le site Internet du MEDEF.). Notez que le mot social est toujours précédé du mot “ dite ”... et que l’on découvre que les champs d’intervention des associations (souvent historiques) viennent concurrencer les entreprises du secteur marchand.. !..

[2] Communiqué de la CPCA / Conférence Permanente des coordinations associatives. 6 Octobre 2005.

[3] Comité pour les Relations Nationales et Internationales des Associations de Jeunesse et d’Education Populaire.


 

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